Les Bienheureux: « Ce pays est abîmé »

Le film réalisé par Sofia Djama et sorti en 2017, se déroule à Alger en 2008, quelques années après la fin de la guerre civile. Samir et Amal s’apprêtent à fêter leur anniversaire de mariage, et cherchent un lieu pour l’occasion. Elle est professeur à l’université. Lui est médecin, et pratique des avortements clandestins. Pendant ce temps, leur fils, Fahim et ses amis errent dans les rues en essayant de tromper l’ennui. Dans un pays à vif, chacun balance entre espoir et résignation…
« On a survécu, c’est déjà beaucoup »

 

Le film se déroule dans un espace temps réduit: l’intrigue se construit le temps d’une nuit, le temps de quelques heures. Le couple fête leur vingt ans de mariage, et ont connu octobre 88 où Algérien.nne.s ont manifesté et ont obtenu, la fin du Parti unique et une ouverture démocratique. Une grande désillusion a suivi, avec la montée de l’islamisme et de la guerre civile. Ils se sont souvent posé la question : rester, partir ? Ils sont restés et ils vivent à Alger une vie très bourgeoise, tout en essayant de rester fidèles à certaines valeurs. Sofia Djama tente ici de faire part de cette déchirure qui a traversé tout le pays et qui la traverse encore. Cette guerre civile qui a touché de manière consécutive l’Algérie. « Ce pays est abîmé » dit Amal, ce qui reflète la souffrance d’un pays qui pendant près d’un demi siècle n’a connu que guerre et conflits.
La violence est omniprésente chez les Bienheureux notamment à travers la souffrance de chaque personnages. Elle a marqué et s’est forgée. La première génération touchée est celle des parents, qui ont connus de manière directe ce dur conflit. Cependant la douleur se répands et touche les générations suivantes. On le remarque notamment avec la perte de l’être chère, et sa façon d’hanter ses proches.

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Auprès de la jeunesse Algérienne

 

Cette jeunesse est coincée dans une routine. Ils sont enfermés, ne savent pas quoi faire, s’ennuient. On retrouve de nombreux plans en contre-plongée, insistant sur la hauteur des nombreux bâtiments qui reflètent à mes yeux un certain enfermement dans la ville, dans cette routine. La routine, le quotidien, qu’on retrouve aussi dans tout plein de bruits: on entends les chats, les cris des enfants, les bruits de pas, le train, la musique, les klaxon de la circulation lointaine. L’Algérie que je connais.
Cette jeunesse c’est aussi des personnes qui se cherchent, qui tentent de se trouver: que ce soit dans l’acceptation de la religion ou dans son refus, que ce soit par leurs actes ou leurs contestations. Bien évidemment des sujets tels que la place de la femme prennent une grande importance dans cette oeuvre, notamment grâce au personnage de Feriel. Comment avoir sa place dans un foyer détruit, est-elle la soeur, la mère ou la fille? Comment se construire auprès de ses amis hommes, comment se comporter face aux regards des voisins, face à la société?

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Voilà pourquoi, Les Bienheureux est un film important à mes yeux: Sofia Djama questionne des sujets toujours aussi actuels: l’avenir d’une jeunesse perdue, le passé, la souffrance, la famille, l’amitié et toute leur complexité. Le film se déroule en 2008, nous sommes en 2018 et cette réflexion semble toujours aussi actuelle.

 

 

Amira